Libra, le projet naissant et très médiatisé du géant des réseaux sociaux Facebook, continue d’être critiquée par les autorités financières et politiques. Le dernier coup porté à la cryptomonnaie est venu du président de la Suisse où le projet cherche à obtenir un consentement réglementaire. Lors d'une interview avec la chaîne de télévision suisse SRF, le président et ministre des Finances de la Suisse Ueli Maurer a déclaré que Libra n'a aucune chance de réussir dans sa forme actuelle. Selon M. Maurer, Libra doit être retravaillée pour être approuvée, a rapporté Reuters vendredi.
« Je ne pense pas que (Libra a une chance dans sa forme actuelle), parce que les banques centrales n'accepteront pas le panier de devises qui la sous-tend », a déclaré le président lors de l’interview, avant d’ajouter que « Le projet, sous cette forme, a donc échoué ».
Libra est la nouvelle cryptomonnaie de Facebook basée sur la technologie de la blockchain et disposant de son propre portefeuille numérique. C’est une cryptomonnaie censée permettre d'acheter des biens ou d'envoyer de l'argent aussi facilement qu'un message instantané. Facebook l’a présentée en juin 2019, avec la participation de 28 autres sociétés des secteurs de la finance, du commerce électronique, des technologies et des télécommunications. Ensemble, elles forment l'association Libra – basée à Genève en Suisse – qui doit garantir l’évolution de la monnaie.
L'association Libra a annoncé dans un communiqué en septembre dernier qu’elle s’apprêtait à solliciter une autorisation en Suisse pour que Libra soit utilisée comme un moyen de paiement dans le pays. « Grâce à un cadre réglementaire neutre sur le plan technologique ainsi qu'une réglementation claire sur les business modèles basés sur la blockchain, la Suisse offre une voie d'innovation responsable en matière de services financiers, en harmonie avec les normes financières mondiales et une surveillance rigoureuse », a déclaré l’association dans un communiqué.
Le projet, qui est toujours en cours de développement, n'est pas encore un réseau actif. La semaine dernière, Libra a publié une deuxième feuille de route décrivant les plans pour le lancement de son réseau principal, actuellement prévu pour 2020. Mais depuis plusieurs mois maintenant, la monnaie rencontre des obstacles à sa mise en œuvre.
Libra de Facebook a fait face à des mois de critiques sévères de la part de certaines autorités politiques et financières
En octobre, plusieurs bailleurs de fonds importants de Libra, dont les sociétés de paiement en ligne PayPal et Stripe, ainsi que Visa, Mastercard et d'autres, se sont retirées du projet en raison de la pression croissante des régulateurs américains et autres. Ils ont évoqué le potentiel d'utilisation illicite de la monnaie et ont souligné la réputation ternie de Facebook, basé en Californie, en matière de protection de la vie privée et des données.
La Libra est conçue pour permettre aux utilisateurs de WhatsApp, une plateforme de messagerie appartenant à Facebook, d'envoyer instantanément des fonds à leurs amis ou à leur famille. Mais la taille de Facebook – 2,2 milliards de personnes dans le monde se connectent sur au moins une de ses plateformes, qui comprennent également Instagram, WhatsApp et Messenger – lui donnerait la possibilité de perturber le système financier mondial, ce qui rendrait sa gestion beaucoup plus difficile pour les banques centrales, avait déclaré le président de la Fed, Jerome Powell, aux législateurs américains en juillet.
Il a également exprimé d’autres « sérieuses inquiétudes » concernant Libra en matière de blanchiment d’argent, de réglementation, de protection de la vie privée, de protection des consommateurs et de stabilité financière. Powell a appelé Facebook à suspendre le projet Libra jusqu’à ce que les inquiétudes des régulateurs du marché financier soient complètement dissipées.
Libra est une stablecoin – les stablecoins sont un type de cryptomonnaie conçue pour assurer la stabilité, en évitant les fluctuations brutales de prix des bitcoins et autres monnaies numériques, en étant rattachées à des actifs ou des devises relativement stables. Cette structure vise à favoriser la confiance des utilisateurs et des régulateurs. Cependant, le panier de monnaies sur lequel Libra est censée être basée dans sa forme actuelle pose problème, selon le ministre des Finances de la Suisse.
Les pays et les banques centrales, qui sont censés émettre la monnaie numérique, ont également exprimé leur inquiétude quant à un coup porté à leur souveraineté. En effet, en octobre, le ministre français de l'Economie, Bruno Le Maire, a exprimé sans ambages ses préoccupations en déclarant : « Nous allons prendre des mesures avec les Italiens et les Allemands, parce que notre souveraineté est en jeu », avait-il déclaré, s'exprimant à Washington en marge de la réunion d'automne de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. « Libra n'est pas la bienvenue sur le sol européen ».
Du côté des Etats-Unis, le gouverneur de la Réserve fédérale, Lael Brainard, dans un discours prononcé à Francfort, a déclaré au début de ce mois que « Sans les garanties nécessaires, les réseaux de monnaies stables à l'échelle mondiale peuvent mettre les consommateurs en danger ». Les cryptomonnaies ont jusqu'à présent souffert de pertes "stupéfiantes" dues à la fraude et au vol, a déclaré M. Brainard.
Un ingénieur en logiciel basé à Londres a reproché à Libra en novembre d’être architecturalement instable en se basant sur six points différents : la tolérance byzantine de Libra sur un réseau autorisé est une conception incohérente, Libra n'a aucune confidentialité de transaction, Libra HotStuff BFT n'est pas capable d'atteindre le débit nécessaire pour un rail de paiement, le langage Move utilisé par Libra n'est pas sécurisé, l'ingénierie cryptographique de Libra n'est pas solide et finalement il estime que Libra n'a aucune capacité pour les mécanismes de protection des consommateurs.
Toutefois, en octobre dernier, le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, a déclaré devant une commission du Congrès que la Libra ne serait pas lancée tant qu'elle n'aurait pas reçu toutes les autorisations nécessaires des autorités.
Sources : Reuters
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Le , par Stan Adkens
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