Premier semestre 2020, date prévue pour le lancement de Libra approche, cependant, la cryptomonnaie stable de Facebook, qui est censée être adossée à un panier de devises comme le dollar ou l'euro, ne fait pas encore l’unanimité. Après une série de défections dans le rang des membres de Libra Association au cours des deux dernières semaines, certains Etats continuent de s’opposer au projet de monnaie mondiale de Facebook. Vendredi dernier, Bruno Le Maire, le ministre français de l’Economie, a annoncé que la France, l’Italie et l’Allemagne préparaient ensemble une série de mesures pour interdire en Europe la future cryptomonnaie, a rapporté L’AFP.
En effet, lors d’une conférence de presse en marge des réunions du FMI et de la Banque mondiale qui se sont tenues à Washington du 17 au 19 octobre dernier, M. Le Maire a déclaré : « Nous prendrons dans les semaines qui viennent, notamment avec Olaf Scholz et Roberto Gualtieri, mes homologues allemand et italien, un certain nombre d’initiatives pour marquer clairement que Libra n’est pas la bienvenue en Europe, parce que c’est notre souveraineté qui est en jeu ».
« Nous n’accepterons pas qu’une entreprise multinationale privée ait la même puissance, la même puissance monétaire que les États souverains qui sont soumis au contrôle démocratique ; car la grande différence entre Facebook et les États, c’est que nous sommes soumis au contrôle démocratique, c’est-à-dire au contrôle du peuple », a-t-il ajouté.
Un jour avant cette conférence de presse, le G7, le groupe des sept pays les plus industrialisés (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Italie et Japon), était déjà convenu que la condition sine qua non pour lancer les cryptomonnaies stables, comme Libra, était l’instauration d’un cadre juridique.
L’Europe reconnaît la nécessité de réformer le secteur des banques et des services financiers pour rendre les paiements internationaux transfrontaliers plus simples, plus rapides et moins chers, « mais en même temps, il est nécessaire de préserver l’autonomie des Etats démocratiques », a dit Olaf Scholz, ministre fédéral des Finances de l’Allemagne, emboîtant le pas à son homologue français.
Alors que la présidence japonaise du G20 a cité en particulier le blanchiment d’argent, le financement illicite ou la fragilisation de la protection des consommateurs et des investisseurs, et a demandé au FMI d’examiner les implications macroéconomiques « incluant les problématiques de souveraineté monétaire des Etats membres en prenant en compte les caractéristiques des pays », les Européens semblent vouloir aller plus loin, en interdisant purement et simplement la monnaie électronique de Facebook. « Je suis favorable à ne pas permettre l’instauration d’une telle monnaie mondiale, car c’est la tâche des Etats démocratiques », a poursuivi le ministre Scholz.
Faisant écho à ses deux premiers homologues, le ministre italien des Finances, Roberto Gualtieri, a souligné : « Il y a un fort consensus de la communauté internationale pour ne pas autoriser le développement des monnaies privées », relevant « un trop grand risque systémique » et qu’« à la place, il fallait moderniser » les services bancaires, a rapporté l’AFP.
Libra, une cryptomonnaie censée permettre d'acheter des biens ou d'envoyer de l'argent aussi facilement qu'un message instantané, a été lancée officiellement par Facebook en juin 2019. Moyen de paiement en dehors des circuits bancaires traditionnels, Libra se veut la pierre angulaire d'un tout nouvel écosystème financier sans la barrière des différentes devises. Les responsables du projet ont expliqué que les usagers disposeront sur leur smartphone d'un porte-monnaie numérique pour faire leurs achats, envoyer ou recevoir de l'argent. À cet effet, Facebook a décidé d’ouvrir une nouvelle filiale qui va s’occuper de fournir les différents services financiers autour de Libra, il s’agit de Calibra.
Il existe aussi Libra Association qui est une association indépendante à but non lucratif composée de 28 membres et basée à Genève, en Suisse. Elle est composée des entreprises des domaines de paiement, de capital-risque, de télécommunications, de blockchain et de technologie, ainsi que des groupes sans but lucratif. L’association a été lancée officiellement en début de la semaine dernière. Elle est chargée de superviser les décisions majeures concernant la cryptomonnaie.
En septembre dernier, la France et l’Allemagne ont montré leur réticence au projet Libra, se sont engagées à bloquer son ouverture en Europe, et ont plutôt soutenu le développement d’une cryptomonnaie publique. Ces critiques ont été exprimées alors que la Banque centrale européenne avait annoncé qu'elle travaillait sur un plan à long terme visant à lancer une monnaie numérique publique susceptible de rendre redondants des projets tels que Libra.
Les cryptomonnaies posent des risques pour les consommateurs, la stabilité financière et même « la souveraineté monétaire » des États européens, avaient déclaré le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, et son homologue allemand, Olaf Scholz, dans un communiqué conjoint publié lors d'une réunion des ministres des Finances de la zone euro à Helsinki.
Libra aura un impact sur le commerce et l’industrie, affectera l’efficacité des États et affaiblira l’indépendance de la politique monétaire
Bertrand Perez, le directeur général de Libra Association, a réagit aux déclarations des responsables européens et a dit : « Je le répète, notre priorité aujourd’hui est de travailler avec les régulateurs pour répondre à leurs questions légitimes et leur donner toutes les garanties nécessaires ». « Le projet Libra a été créé pour compléter le système existant et non pour remplacer les monnaies souveraines », a également commenté l’association dans un communiqué.
Mais le ministre français de l’Economie a semblé écarter l’offre de collaboration avec Facebook, relevant un élément litigieux : le fait que Libra sera adossée à un panier de devises, selon l’AFP. « Il suffira que Facebook décide d’avoir plus d’euros ou plus de dollars pour avoir un impact sur le niveau de change de l’euro ou du dollar et donc un impact direct sur le commerce, l’industrie, les États qui ont comme monnaie de référence l’euro ou le dollar », a déclaré M. Le Maire.
Cela affectera l’efficacité des États et affaiblira l’indépendance de la politique monétaire, a-t-il souligné. « Veut-on que la politique monétaire soit aux mains d’une entreprise privée comme Facebook ? Ma réponse est clairement non », a conclu le ministre. Il a toutefois souligné qu’il n’était pas contre l’établissement d’une monnaie numérique publique, sur laquelle la France travaillerait volontiers « dans un cadre européen ». « La bonne réponse n’est pas une monnaie digitale privée sous la direction d’une des plus grandes multinationales de la planète, qui a 2,4 milliards de clients », a-t-il encore martelé.
Au cours des deux dernières semaines, Libra Association a vu partir des membres importants, en l’occurrence Visa, Mastercard, Stripe, eBay et Paypal, qui a quitté le groupe une semaine plus tôt. Mais ces sociétés ont promis de suivre de près les progrès de Libra et de rester ouverts à travailler avec Libra Association à un stade ultérieur. Lundi dernier, l'association a tenu sa première réunion avec les 21 membres restants, dont Facebook, via sa filiale de cryptomonnaie Calibra, qui a le même droit de vote que les autres membres. 1 500 organisations, dont 180 sociétés répondent aux critères d'adhésion de Libra Association, avaient manifesté leur intérêt pour l'adhésion, d’après l’association.
La position du FMI concernant le projet Libra et les autres monnaies virtuelles stables consiste à tirer les bénéfices de l’innovation tout en minimisant les risques. Tobias Adrian, directeur du département des marchés des capitaux, commentant cette position a expliqué que si ces monnaies offrent la promesse d’inclure plus de personnes dans les systèmes de paiement, pour l’heure, « elles n’ont pas encore été généralement testées et posent des risques importants, tels que la stabilité et l’intégrité financières, la protection des consommateurs et de la vie privée ».
Le ministre Le Maire n’a pas donné plus de détails sur le plan européen pour interdire la cryptomonnaie de Facebook en Europe.
Source : AFP
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Les Européens veulent interdire Libra, la monnaie numérique de Facebook,
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Le , par Stan Adkens
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