Le texte de la loi régissant la taxe sur les activités numériques en France a été publié le 25 juillet dernier au Journal officiel, après qu’il ait été approuvé deux semaines plus tôt par le Sénat français. La taxe numérique, qui prélèvera les 3 % des revenus des services numériques gagnés en France, s’appliquera aux entreprises de plus de 25 millions d'euros de chiffre d'affaires réalisé en France et 750 millions d'euros (838 millions de dollars) dans le monde. Elle entre en vigueur de façon rétroactive à partir de janvier 2019 et ne tient pas compte du pays d’origine des entreprises. Cependant tous s’accordent à dire que cette taxe est dirigée contre les grandes entreprises américaines de l’Internet et l’ont même baptisée « taxe GAFA ».
C’est aussi l’avis des grandes entreprises technologiques et les groupes de l'industrie technologique américaine qui ont déclaré lundi que la nouvelle taxe française sur les services numériques sape le régime fiscal mondial et les efforts multilatéraux visant à le réformer, selon Reuters. « Elle s'écarte même des grandes lignes de ce que nous attendons de l'OCDE », a déclaré Daniel Bunn, directeur des projets mondiaux à la Tax foundation, commentant les efforts déployés à l'échelle de l'OCDE pour créer un accord mondial sur la taxation de l'économie numérique. Un accord au niveau OCDE se substituerait à la mesure prise au niveau local en France, selon les autorités françaises.
En effet, l’unité Google d’Alphabet Inc., Facebook Inc et Amazon.com Inc. et les principales associations commerciales ont témoigné lundi contre la taxe lors d'une audience devant le bureau du représentant américain au Commerce et d'autres représentants du gouvernement. Reuters a fait un rapport mardi dernier sur les témoignages écrits par les représentants des géants de la technologie en prévision de l’audience.
Dans son témoignage écrit, Jennifer McCloskey, vice-présidente des politiques au Conseil de l'industrie des technologies de l'information, qui représente Amazon, Facebook, Apple Inc., Google et bien d'autres entreprises, et qui a également témoigné lundi dans l’affaire de la taxe française, a déclaré : la taxe « représente un précédent troublant, s'écarte inutilement du progrès vers des politiques fiscales internationales stables et durables et peut affecter de façon disproportionnée les sociétés américaines ayant leur siège aux Etats-Unis ».
Reuters a rapporté que la Chambre de commerce des États-Unis a déclaré lundi que la taxe française générera des recettes d'environ 500 millions d'euros (554 millions de dollars) par an « dont la grande majorité sera payée par des entreprises américaines » et coûtera des millions de dollars aux entreprises américaines pour effectuer « un remaniement important des systèmes comptables afin de garantir qu'elles puissent évaluer correctement » leur responsabilité.
Dans son témoignage écrit, Alan Lee, responsable de la politique fiscale mondiale de Facebook, a également déclaré que la taxe « pose des difficultés pour le modèle économique de Facebook et entravera la croissance et l'innovation dans l'économie numérique » et nécessiterait une refonte de ses systèmes. Selon M. Lee, « bien que nous ayons les données nécessaires pour calculer l'impôt, il nous faudrait plus de temps et de ressources pour saisir ces données et les conserver aux fins de l'impôt et de la vérification », a rapporté Reuters mardi dernier.
Les grandes entreprises de technologie ont mis en garde contre l'augmentation des coûts
La taxe « mine les progrès réalisés » sur un nouveau régime fiscal dans l'économie numérique et « favorise une réponse agressive à ce problème », a déclaré lors de l'audience du lundi Matthew Schruers, directeur de l'exploitation de la Computer and Communications Industry Association (CCIA), représentant des entreprises comme Intel Corp, eBay Inc. et Netflix Inc..
« La CCIA estime que cette mesure mérite une réponse substantielle et proportionnée de la part des États-Unis », a-t-il dit, avant d’ajouter que la taxe vise « incontestablement » les entreprises américaines dans une tentative du gouvernement français de les « étrangler ».
A ce propos, le conseiller en politique commerciale de Google, Nicholas Bramble, a aussi déclaré dans son témoignage écrit que l'impôt français est « une rupture radicale par rapport aux règles fiscales établies de longue date et vise uniquement un sous-ensemble des entreprises » et est « susceptible de générer des litiges sur la question de savoir si des activités numériques spécifiques ont été "fournies en France" ou dans une autre région ».
Lundi dans un communiqué, M. Lee a déclaré que « Des mesures unilatérales comme la DST sont préjudiciables à Facebook et à l'économie numérique ». Le géant des réseaux sociaux évolue au rythme des scandales et poursuites judiciaires depuis plus d’un an. Il a été frappé par une amende record de 5 milliards de dollars de la Federal Trade Commission des Etats-Unis en juillet dernier pour n’avoir pas respecté un accord de 2011 sur la vie privée des utilisateurs. Le règlement exige également une surveillance accrue de la vie privée au sein de l'entreprise.
Dans son témoignage du lundi, le directeur de la politique fiscale internationale d'Amazon, Peter Hiltz, a déclaré que plus de 10 000 entreprises basées en France vendent sur les boutiques en ligne d'Amazon et leur a notifié que certains frais augmenteront de 3 % pour les ventes d'Amazon.fr à partir du 1er octobre. Le géant du commerce électronique avait fait une annonce similaire sur son site Web pour la France en début du mois. Ce qui avait suscité une réaction de la par de Mounir Mahjoubi, député LREM, qui a contesté la décision d’Amazon France de vouloir répercuter la taxe Gafa sur ses tarifs aux entreprises françaises qui utilisent sa plateforme de vente en ligne.
Dans leur ensemble, les grandes entreprises de technologie conviées à l’audience ont mis en garde contre l'augmentation des coûts de leurs produits sur le marché français. Dans leur témoignage écrit, les entreprises américaines touchées par la taxe numérique ont déclaré qu' « il y a une forte probabilité que le coût de la taxe soit répercuté sur toute la chaîne d'approvisionnement », comme compte le faire Amazon.
Le gouvernement américain n’est pas non plus d’accord avec la nouvelle taxe française
Le mois dernier, le président américain Donald Trump a menacé de taxer les vins français en représailles de la taxe numérique. Pour la Maison-Blanche, « la mesure unilatérale de la France semble cibler les entreprises technologiques américaines innovantes qui fournissent des services dans des secteurs distincts de l'économie ». Le Bureau du représentant américain au commerce extérieur qui a ouvert une enquête sur la taxe en juillet a qualifié la mesure de « déraisonnable ». Le bureau pourrait émettre de nouveaux tarifs sur les produits français ou d'autres restrictions commerciales après la fin de la période de commentaires du public, le 26 août, a rapporté Reuters.
Même si dans le fond, les États-Unis semblent d’accord avec le principe de taxer plus lourdement diverses multinationales (taxation des activités digitales et taxation minimum), Daniel Bunn, directeur des projets mondiaux à la Tax Foundation a déclaré que la taxe numérique française « s'écarte même des grandes lignes de ce que nous attendons de l'OCDE ».
D'autres pays de l'UE, dont l'Autriche, la Grande-Bretagne, l'Espagne et l'Italie, trouvent aussi qu'une taxe sur les grandes multinationales de l'Internet telles que Facebook et Amazon est nécessaire parce qu’elles font des profits dans des pays à faible fiscalité comme l'Irlande, peu importe d'où proviennent leurs revenus. Ces pays comptent également instaurer des plans pour leurs propres taxes numériques.
Source : Reuters
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Le , par Stan Adkens
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