La saga juridique entre Meta, l'Irlande et l'Union européenne a trouvé une conclusion, du moins pour le moment. Meta a subi mercredi une défaite majeure qui pourrait gravement compromettre ses activités publicitaires sur Facebook et Instagram après que les régulateurs de l'UE ont estimé qu'il avait illégalement forcé les utilisateurs à accepter effectivement des publicités personnalisées. L'affaire s'articule autour de la manière dont Meta reçoit l'autorisation légale des utilisateurs pour collecter leurs données à des fins de publicité personnalisée. Meta a volontairement fait mention des clauses relatives à la collecte de données dans un endroit peu fréquenté.
Les conditions d'utilisation de Meta comprennent un langage qui signifie effectivement que les utilisateurs doivent soit autoriser l'utilisation de leurs données pour des publicités personnalisées, soit cesser complètement d'utiliser les services de médias sociaux de Meta. Il s'agit en effet de la très longue déclaration que les utilisateurs doivent accepter pour avoir accès à des services comme Facebook, Instagram et WhatsApp. Seulement, ces textes sont bien souvent beaucoup trop longs, jargonneux et rébarbatifs. Plusieurs études ont prouvé au fil des ans que la plupart des internautes acceptent ces conditions sans y jeter un œil en raison de leurs aspects.
La DPC, qui est le principal régulateur de Meta dans l'UE puisque le siège européen de la société se trouve à Dublin, a déclaré que les autorités de l'UE avaient déterminé que le fait de placer le consentement légal dans les conditions de service obligeait essentiellement les utilisateurs à accepter des publicités personnalisées, violant ainsi le RGPD. La décision comprend une amende de 390 millions d'euros, dont de 210 millions d'euros pour des violations des règles strictes de l'UE en matière de confidentialité des données concernant Facebook et une amende supplémentaire de 180 millions d'euros pour des violations concernant Instagram.
La décision oblige également Meta à apporter des changements coûteux à son activité basée sur la publicité dans l'UE, l'un de ses plus grands marchés (27 pays et environ 450 millions d'habitants). La société dispose de trois mois pour indiquer comment elle se conformera à cette décision. La décision ne précise pas ce que la société doit faire concrètement, mais elle pourrait obliger Meta à permettre aux utilisateurs de choisir s'ils veulent que leurs données privées soient utilisées pour de telles publicités ciblées. Au regard du comportement des utilisateurs de l'iPhone après l'introduction de l'iOS 14, Meta pourrait avoir de gros ennuis.
Selon les analystes, si un grand nombre d'utilisateurs choisissent de ne pas partager leurs données, cela couperait l'une des parties les plus précieuses de l'activité de Meta. Les données relatives à l'historique numérique d'un utilisateur - comme les vidéos sur Instagram qui incitent une personne à arrêter de défiler, ou les types de liens sur lesquels une personne clique lorsqu'elle parcourt les flux Facebook - sont utilisées par les spécialistes du marketing pour faire passer des publicités auprès des personnes les plus susceptibles de les acheter. Ces pratiques ont permis à Meta de générer environ 118 milliards de dollars de revenus en 2021.
Dan Ives, analyste chez Wedbush Securities, a déclaré que cette sanction met en péril 5 à 7 % des revenus publicitaires globaux de Meta. « Cela pourrait être un coup de massue majeur », a-t-il déclaré. La sanction contraste avec la réglementation en vigueur aux États-Unis, où il n'existe pas une loi fédérale sur la confidentialité des données et où seuls quelques États, comme la Californie avec le CCPA California Consumer Privacy Act), ont pris des mesures pour créer des règles similaires à celles de l'UE. Plusieurs entreprises appliquent les règles de l'UE à l'échelle mondiale, car il est plus facile de les mettre en œuvre que de les limiter à l'Europe.
L'annonce de mercredi concerne deux plaintes déposées contre Meta en 2018 par NOYB, une organisation à but non lucratif fondé par Max Schrems, un militant autrichien de la protection des données. Meta a déclaré qu'il ferait appel de la décision, mettant en place ce qui pourrait être un combat juridique prolongé qui teste le pouvoir du RGPD et l'agressivité avec laquelle les régulateurs utilisent la loi pour forcer les entreprises à changer leurs pratiques commerciales. « Nous sommes fermement convaincus que notre approche respecte le RGPD, et nous sommes donc déçus par ces décisions », a déclaré Facebook dans un communiqué.
Selon les militants, les entreprises telles que Meta s'emparent d'un maximum de données sur les personnes en ligne afin de diffuser des publicités personnalisées. Mais les critiques ont également vu dans la durée du procès un signe de la faiblesse et de la lenteur de l'application du RGPD. « Le système européen d'application de la loi n'a pas encore tenu les promesses du RGPD », a déclaré Johnny Ryan, un militant du droit à la vie privée qui est chargé de mission au Conseil irlandais pour les libertés civiles. Le jugement indique que "les grandes entreprises technologiques pourraient être confrontées à une situation beaucoup plus difficile".
Le jugement de l'UE est le dernier vent contraire auquel Meta doit faire face. La société était déjà aux prises avec une baisse importante des revenus publicitaires en raison d'un changement apporté par Apple en 2021, qui donnait aux utilisateurs d'iPhone la possibilité de choisir si les annonceurs pouvaient les suivre. Meta a déclaré l'année dernière que les changements apportés par Apple lui coûteraient environ 10 milliards de dollars en 2022, les enquêtes auprès des internautes montrant qu'une nette majorité d'utilisateurs ont bloqué le suivi. Apple poursuit ses innovations en matière de confidentialité et Meta pourrait faire face à d'autres problèmes.
Les difficultés de Meta surviennent alors que l'entreprise tente de diversifier ses activités en passant passant des médias sociaux au monde de la réalité virtuelle avec le "metaverse". Le cours de l'action de la société a chuté de plus de 60 % l'année dernière et elle a licencié des milliers d'employés, une situation qui a déclenché l'ire de certains investisseurs. En effet, contrairement au PDG de Meta, Mark Zuckerberg, certains investisseurs sont peu enthousiasmés par le métavers et conseillent à l'entreprise de réduire ses dépenses dans le domaine. Meta veut engloutir chaque année 10 milliards de dollars dans le métavers pendant au mois 10 ans.
En novembre, Meta s'est vu infliger une amende d'environ 275 millions de dollars par les autorités irlandaises pour une fuite de données découverte l'année dernière qui a conduit à la publication en ligne des informations personnelles de plus de 500 millions d'utilisateurs de Facebook. En 2023, la plus haute juridiction de l'UE, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), devrait également se prononcer sur des affaires qui pourraient entraîner de nouveaux changements dans les pratiques de collecte de données de Meta. Pourtant, beaucoup pensent que l'application de la loi n'est pas assez contraignante pour les entreprises.
Source : Commission irlandaise de la protection des données
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